Dans toute opération de cession, d’acquisition ou de levée de fonds, plusieurs experts interviennent. Dans cette série d’articles dédiée aux experts intervenant dans les opérations de haut de bilan, nous débutons avec un acteur clé : l’avocat. À la frontière entre structuration juridique, stratégie contractuelle, coordination opérationnelle et pilotage humain, son rôle s’exerce en étroite collaboration avec les conseils financiers. Maître Ghesquière, avocat associé chez Bignon Lebray, cabinet d’affaires implanté en France, partage avec nous les coulisses d’un métier à haute intensité.
Nous intervenons généralement au moment où les discussions se cristallisent autour d’un accord de principe : la lettre d’intention, document qui matérialise la convergence entre l’acquéreur et le vendeur sur les éléments essentiels du deal : prix, calendrier, garanties, financement, périmètre. Bien souvent, cette lettre est préparée avec le conseil financier, comme MBA Capital, qui a accompagné le client dans l’identification de la contrepartie, la valorisation, la stratégie de négociation. C’est donc une étape stratégique.
Le premier livrable est le SPA (Share Purchase Agreement), qui formalise les termes de la cession : transfert des titres, prix, ajustements éventuels, garanties, conditions suspensives, obligations post-cession. Nous y intégrons aussi la GAP (Garantie d’Actif et de Passif), véritable contrat dans le contrat, qui doit protéger l’acquéreur. Cette documentation est le socle du deal.
À côté, nous préparons toute la documentation périphérique :
Le travail consiste à sécuriser l’ensemble du périmètre juridique et à anticiper tous les cas de figure post-closing.
L’audit permet en autres d’obtenir une « cartographie » des risques à lever. Il s’agit d’une phase structurante qui consiste à confronter l’apparence de l’entreprise à sa réalité juridique. Nous mobilisons nos équipes spécialisées dans chaque domaine – corporate, fiscal, social, IP/IT, immobilier, voire environnement et données personnelles si nécessaire – pour balayer tous les risques :
Les opérations cross-border nécessitent une coordination juridique renforcée. Un avocat français n’a pas la compétence pour valider des éléments de droit belge, italien ou luxembourgeois. Il faut donc mobiliser les bons partenaires locaux, mais aussi piloter la cohérence d’ensemble.
Cela suppose une double rigueur : respecter les spécificités nationales tout en maintenant une architecture contractuelle cohérente. Cela exige également une ouverture d’esprit, encore plus d’esprit constructif (les français ont la réputation d’être compliqués voire « râleurs ») et la maîtrise de l’anglais.
Parce qu’une opération échoue rarement pour des raisons juridiques pures et ne repose pas sur un seul acteur ! En revanche elle peut échouer par manque de coordination : l’avocat doit parler le langage du conseil financier, de l’expert-comptable, du notaire, du fiscaliste, de l’acheteur, du vendeur.
Un conseil cloisonné qui dirait par exemple « ce n’est pas à moi de gérer cela » crée de la friction. On ne nous mandate pas seulement pour écrire un contrat, mais pour faire aboutir un deal dans de bonnes conditions. Et c’est aussi notre responsabilité de maintenir la dynamique.
Le droit n’est pas neutre : chaque clause est le fruit d’une négociation ou le reflet de rapports de force. Quand un dirigeant vend son entreprise – parfois le projet de sa vie – il peut être dépassé émotionnellement.
Certains clients sont très présents, posent mille questions, ont besoin d’expliquer leur histoire, de comprendre chaque terme. D’autres délèguent tout, parfois à l’excès. Il faut s’adapter à leur personnalité, les rassurer sans infantiliser, trancher sans brusquer.
Il faut également composer avec la partie adverse qui peut être tendue ou méfiante par exemple. Notre rôle est de maintenir un climat professionnel, d’amortir les tensions, de négocier sans agresser. On ne réussit pas une opération sans empathie, discernement, écoute et souplesse.
Il est décisif ! Un bon conseil financier sait poser le cadre de négociation, structurer l’information, challenger les conditions de valorisation, tenir le rythme. Cela nous permet, à nous avocats, de travailler sur des bases claires, cohérentes, économiquement solides.
Et surtout, il joue un rôle que je pourrais qualifier de médiateur économique : quand le juridique devient trop dur ou trop abstrait, le financier le reformule. Quand la négociation se bloque sur un earn-out, il propose souvent un scénario alternatif. Cette triangulation entre dirigeant, conseil financier et avocat entre autres, quand elle est fluide, fait toute la différence selon moi.
Ce n’est pas seulement une signature mais une opération où le client a été accompagné, entendu, sécurisé, où les parties se quittent sans contentieux, et où le projet peut démarrer sur de bonnes bases. Le droit y contribue, bien sûr, mais le facteur humain est décisif.
Ce que je retiens, transaction après transaction, ce sont les rencontres. Ce dirigeant qui vous dit au closing « Vous avez été là quand il le fallait « . Là, on sait qu’on a joué notre rôle. Pas seulement de juriste. De partenaire.
Mis en ligne le 16 mai 2025
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