De la valeur au prix d’une entreprise

Si la valorisation d’une entreprise est le fruit de calculs mathématiques et financiers, le prix est, quant à lui, le fruit d’un processus, d’une transaction. Mais alors, quel rapport entre les deux : le prix peut-il être inférieur ou, au contraire, supérieur à la valeur ?

La valorisation d’une entreprise, une donnée théorique

En matière d’évaluation d’entreprise, on peut définir la valeur comme étant le résultat d’un certain nombre de calculs émanant de l’utilisation de méthodes d’évaluation. Plus qu’un chiffre précis, une évaluation sérieuse va aboutir à une fourchette de montants. On dira alors que la valorisation de cette entreprise se situe entre x et y avec une « largeur » de fourchette de 10 à 15%.

Même si ces valorisations sont le résultat de formules financières, d’hypothèses structurées et réfléchies, il n’en demeure pas moins que ces valorisations restent théoriques, absconses, voire subjectives. Elles reposent en effet sur un certain nombre de données de l’entreprise et de son environnement économique sujettes à interprétation. Elles demandent surtout à être confrontées au marché.

En revanche le prix est concret, unique, réel et se matérialise en espèces sonnantes et trébuchantes.

Alors que la valorisation s’exprimera en fourchette et en milliers d’Euros arrondis, le prix sera précis et pourra même comporter des centimes d’Euros.

Mais alors pourquoi le prix n’est pas systématiquement égal à la valeur ou au moins au centre de la fourchette de valorisations ? Pourquoi l’observe-t-on parfois très au-dessus la borne haute de la fourchette ou à l’inverse bien en-dessous des estimations les plus modestes, voire pire : inexistant ?

Quid de la différence entre valeur et prix d’une entreprise ?

La différence entre valeur et prix s’explique par des facteurs endogènes et exogènes à l’entreprise à évaluer.

  • La première raison expliquant une différence significative entre valeur et prix peut être l’analyse insuffisante de l’entreprise et de son marché par l’évaluateur, ce qu’on reprochera plus rarement à un acquéreur. Une évaluation peut être de mauvaise qualité, un prix est rarement le résultat d’une erreur. Il existe par exemple des aspects endogènes, c’est-à-dire liés à l’entreprise elle-même qu’un évaluateur peut négliger, ou ne pas voir. On peut citer à ce titre l’intuitu personae du dirigeant, que l’évaluateur ne prendra pas en compte s’il n’a pas vu « fonctionner » le dirigeant, alors que cet intuitu personae pourra rendre impossible la cession et donc l’obtention d’un prix.
  • A l’opposé, de fortes barrières à l’entrée d’un marché peuvent constituer un avantage compétitif pour l’entreprise qui s’y trouve et donc un facteur de diminution de son risque qui pourra être plus ou moins intégré dans la valorisation mais peut-être sous-estimé. Dans ce même esprit on peut citer, l’organisation de l’entreprise, la présence (ou pas) d’un encadrement qualifié, la dépendance aux femmes et hommes-clé, la concentration des portefeuilles clients et fournisseurs, une éventuelle mise aux normes à prévoir, le nécessaire renouvellement de la gamme de produits/prestations, le niveau d’investissement au cours des dernières années, la visibilité sur les exercices suivants…
  • D’autres aspects, exogènes cette fois, peuvent être pris en compte de façon différente par l’évaluateur et l’investisseur/acquéreur : l’environnement économique et le climat général des affaires. En matière obligataire, on a l’habitude de dire que « Quand les taux montent, les cours baissent ». Cet adage est aussi valable pour le prix des entreprises. Certains business model peuvent être remis en cause par des changements de style de vie comme on a pu le constater depuis le Covid, ou du fait de l’apparition d’une nouvelle réglementation. De même, le secteur d’activité de l’entreprise est-il en bonne santé, en développement ? Constate-t-on une stratégie de regroupement, d’intégration, de concentration qui dynamise le marché ?

Or la simple évaluation ne prendra pas toujours complètement en compte ces facteurs que la mise sur le marché mettra en exergue immédiatement. La valorisation peut avoir un temps de retard par rapport au marché…

Pour obtenir un prix, il faut trouver un acquéreur

Seront-ils nombreux à s’intéresser au dossier ? Seront-ils uniquement locaux ou au contraire l’entreprise intéressera-t-elle des acquéreurs étrangers voire lointains ?

Les motivations d’achat influencent aussi le prix de l’entreprise. S’agit-il d’un simple complément de gamme ou au contraire d’une prise de part de marché nécessaire, voire vitale pour l’acquéreur ? Achète-t-on une nouvelle technologie que l’acquéreur aura les moyens d’imposer au marché et de développer ?

Les synergies, que va permettre cette acquisition, peuvent aussi influencer le prix proposé. Toutefois, l’acquéreur souhaitera garder, au maximum pour lui, ces gains de synergies et en limitera l’utilisation dans la formation du prix. Mais s’il est en concurrence et que le cédant tarde à accepter sa dernière offre, il sera tenté de l’améliorer, donc d’inclure dans le prix une partie de la valeur qu’il va contribuer à créer à la suite de l’acquisition, en développant synergies et économies d’échelle entre la cible et sa propre entreprise.

Voilà autant de facteurs qui influenceront, à la hausse ou à la baisse, la valorisation et donc le prix proposé. Car il ne faut pas oublier qu’une cession d’entreprise est une rencontre entre l’offre et la demande, entre un cédant et un acquéreur d’une entreprise.

Et clairement l’évolution actuelle du climat amène les acquéreurs à être plus prudents, nettement plus sélectifs. Il convient que l’entreprise visée corresponde parfaitement à sa stratégie, qu’elle entre bien dans son « core business ».

Il y a quelques années, une liste de 12/15 noms d’acquéreurs potentiels bien ciblés était suffisante pour trouver l’acquéreur final dans la plupart des dossiers. Aujourd’hui il convient d’établir une liste de 40 à 50 noms pour parvenir au même résultat.

Pour conclure, du passage de la valeur au prix…

Ainsi les caractéristiques propres à l’entreprise et aussi son environnement économique vont influencer le passage de la valeur au prix, à la hausse ou à la baisse. Mais l’élément le plus décisif, notamment pour être dans le haut de la fourchette voire la dépasser, sera dans la capacité du cédant, avec ses conseils, à « préparer la mariée », puis à mettre en place un processus de détection et d’approche des acquéreurs potentiels les plus qualifiés et motivés pour proposer le meilleur prix et réaliser un passage de la valeur au prix optimal.

Si la valeur peut être assimilée à un balisage de piste, qui nécessitera la bonne compréhension de l’entreprise, de ses forces, de ses faiblesses, de son environnement, le prix sera l’atterrissage qui dépendra principalement d’une bonne sélection des acquéreurs approchés et d’une négociation réussie.

Ainsi une entreprise peut avoir une valeur, mais pas de prix !!!

Vincent JUGUET

MBA Capital Paris

Mis en ligne le 19 juin 2023

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