Dans la gamme des aides multiples et variées mises en place par le Gouvernement pour soutenir les entreprises au cœur de la crise de la Covid-19, il nous a semblé opportun de décrypter le prêt participatif soutenu par l’État (ou PPSE).
Ce dispositif est ouvert aux petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui ont des perspectives de développement post crise, y compris celles ayant déjà bénéficié d’un prêt garanti par l’Etat ou PGE.
Certains commentateurs ont adopté un peu rapidement un raccourci consistant à faire croire que le PPSE permettrait de rembourser le PGE. Pourtant, le PPSE semble plus restrictif dans son objet et quant au public concerné. Clairement, ce nouveau financement ne concerne que les entreprises présentant un « potentiel de rebond », pour reprendre la terminologie officielle.
Rappelons que le PGE est ouvert à toutes les entreprises jusqu’au 31 décembre 2021 partout sur le territoire et ce quelles que soient leur taille et leur forme juridique (PME, ETI, agriculteurs, artisans, commerçants, professions libérales, entreprises innovantes, micro-entrepreneurs, associations, fondations, etc.). Le PPSE est ouvert aux entreprises immatriculées en France qui réalisaient plus de 2 M€ de chiffre d’affaires en 2019.
Les sommes en jeu sont sans commune mesure. L’enveloppe des prêts participatifs distribuée par les banques est estimée à 14 Mds € et l’enveloppe d’obligations subordonnées par les sociétés de gestion à 6 Mds €. Le PGE représente 130 milliards d’euros accordés depuis un an.
Si le PGE est clairement un prêt, et même un prêt de trésorerie, le PPSE s’habille en prêt participatif donc un nouveau financement de long terme, « assimilable à des quasi-fonds propres » selon la doxa du ministère de l’Economie.
Le terme de fonds propres est bien entendu impropre. Le PPSE est un prêt mezzanine, du nom de cet étage intermédiaire que l’on construit lorsque l’on veut accroitre sa surface habitable et que l’on ne peut plus « pousser les murs ».
Un financement mezzanine s’intercale entre la dette et les capitaux propres (entre le sol et le plafond). La dette mezzanine est un outil classique dans les montages à effet de levier ou LBO (Obligations à Bons de souscription d’actions ou OBSA, obligations convertibles, obligations remboursables en actions ou ORA, bons de souscription d’actions). Elle est subordonnée ce qui signifie qu’en cas de liquidation, son remboursement intervient après la dette senior et junior, mais avant les capitaux propres. Cela reste néanmoins une dette qu’il convient de rembourser à son échéance (selon des modalités définies dans le contrat).
Le PPSE serait donc une nouvelle variation de ces êtres hybrides, présentant l’originalité de bénéficier d’une garantie de l’Etat couvrant le risque de pertes (cf. décret du 25 mars 2021).
⦿ Le dispositif PPSE a ouvert le 26 mars jusqu’au 30 juin 2022.
⦿ Le PPSE est distribué par des banques, des sociétés de financement ou des fonds d’investissement dans le cadre d’un accord avec l’État.
L’entreprise doit justifier en 2020 d’une baisse de plus de 5 % de son chiffre d’affaires (ou de sa masse salariale) ou une baisse de plus de 10 % de ses investissements ou de son carnet de commandes (ou une diminution de plus de 10 % du recours à la sous-traitance). Cette condition n’est pas très compliquée à remplir dans le contexte économique de 2020.
Ce qui nous semble très important est la documentation du PPSE qui doit comprendre une analyse fine des capacités de rebond et du potentiel de l’entreprise, une explication du projet d’investissement et ses perspectives, délivrer une modélisation opérationnelle et financière à long terme qui prendra en compte l’impact positif des investissements.
Ces exigences éliminent de facto toutes les PME n’étant pas dotées d’un pilotage de gestion et concrètement, nous comprenons qu’il conviendra de réaliser un plan de financement et un business plan donc pour les PME s’entourer de conseils pour monter leur dossier (car elles disposent rarement de ressources en interne).
Le PPSE est cumulable avec le PGE avec des limites.
Rappelons à toutes fins utiles que le PGE peut atteindre jusqu’à 3 mois de chiffre d’affaires 2019 (ou 2 années de masse salariale pour les jeunes entreprises innovantes JEI ou les entreprises créées depuis le 1er janvier 2019).
Le montant du financement du PPSE peut atteindre :
– Pour les PME, 12,5 % du chiffre d’affaires réalisé en 2019 ;
– Pour les ETI, 8,4 % du chiffre d’affaires 2019 ;
– Pour les PME innovantes (ou créées après le 1er janvier 2019), le montant de la masse salariale 2019, s’il est supérieur au CA ;
– Pour les ETI innovantes et celles créées après le 1er janvier 2019, les 2/3 de la masse salariale 2019, si ce montant est supérieur.
S’y ajoute un garde-fou c’est-à-dire une clause complémentaire de cumul si le PPSE + PGE dépasse 25 % du chiffre d’affaires 2019 (ou deux fois la masse salariale 2019). Dans ce cas, le PPSE ne peut dépasser :
Cette clause limite fortement la portée du PPSE dans le cas où le PGE a été utilisé à plein et n’a pas fait l’objet d’un remboursement (ou est en amortissement sur 5 ans, par exemple).
Concrètement, une PME peut financer jusqu’à 35 % de son CA. Ce n’est quand même pas si mal, si l’on suppose une entreprise dont le taux de résultat habituel est 5 % du CA, cela représente 7 années de RN d’une « année normale » en consolidation des capitaux propres (mais seulement 2 années pour le PPSE si l’enveloppe PGE est pleine).
Le taux est fixé par les banquiers et les sociétés de gestion dans une fourchette de 4 à 5,5 % pour les PME. C’est plus cher que les PGE (2 %) mais cela n’a bien sûr rien à voir (dette subordonnée donc plus risquée et durée plus longue).
Le PPSE est remboursable sur 8 ans, avec un différé de 4 ans (au bout de 8 ans en une seule fois donc in fine pour les obligations subordonnées).
La garantie de l’État couvre le PPSE à hauteur de 30 % de son montant. En pratique, c’est un peu plus compliqué et créatif, chaque acteur financier jouant son rôle.
Les banques prêtent aux entreprises. C’est le « sourcing » ou l’origination. Les banques cèderont 90% de leurs créances aux fonds d’investissement (qui, rappelons-le, représentent des compagnies d’assurance, des banques, des épargnants, particuliers ou institutionnels). Les banques conservant 10 % du risque.
La garantie du gouvernement portera en fait sur 30 % des fonds investis (donc l’Etat couvre 30 % des pertes en capital qui seront subies par les investisseurs privés).
Dans le cas d’une intervention directe du fonds d’investissement, l’entreprise émettra une obligation subordonnée souscrite par le fonds d’investissement (qui conservera 10 % du risque).
Dans notre lecture, le PPSE apporte des ressources longues à des entreprises dont le profil de risque est relativement limité mais dont les capacités d’investissement le sont aussi, gênées pour se financer auprès des banques par leur ratio d’endettement, qui a explosé avec la crise économique et sanitaire et le PGE.
Le sous-jacent de politique industrielle est clair : permettre aux entreprises fragilisées par la crise dont certains fleurons de notre économie d’éviter d’ouvrir leur capital à des concurrents ou prédateurs financiers, à l’heure où France Relance subventionne les relocalisations.
Au-delà, il sera intéressant de mesurer la portée et les conséquences de ce dispositif du PPSE sur l’univers du private equity. Les fonds de private equity auraient levé 18,5 Md€ et investi 17,8 Md€ en France en 2020 (source Capital Finance – Les Echos) soit un recul assez modéré de 12 % des fonds investis. Injecter 20 Mds € avec un calendrier de 15 mois est un sacré challenge et ne devrait pas être neutre pour les acteurs du marché.
Nous pouvons aussi noter avec un peu de malice que le dispositif PPSE est assez peu coûteux pour l’Etat français (surtout si on le compare aux sommes déjà dépensées) et l’idée de mobiliser l’épargne des ménages français pour compenser l’insuffisance chronique en capitaux propres de nos PME (sous réserve que le dispositif ne soit pas phagocyté par les ETI), n’est pas une idée nouvelle mais reste une excellente idée…
Article écrit par Eric LE FLANCHEC, MBA Capital Rennes
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