Alain Hoffarth, Président du groupe HOFFARTH, nous donne son point de vue sur le marché funéraire.
Dans le cadre de ses différentes expertises sectorielles, MBA Capital vous propose une interview portant sur un marché pas comme les autres, avec un professionnel pas comme les autres, accompagné par Pierre Schott dans son développement. Alain Hoffarth qui dirige un groupe d’une centaine de personnes, défend envers et contre tout une conception du métier bien fait et porte un regard inquiet sur les évolutions en cours.
Ce marché, je le connais depuis 40 ans puisque j’ai commencé en 1983. Ce qu’il faut bien voir, c’est qu’auparavant chaque maillon de la chaîne du funéraire était pris en charge par une entreprise dédiée au sein d’un village : le « pompes funèbres », le marbrier etc. Peu à peu, chacun a commencé à ajouter des prestations en se disant « moi aussi je peux faire le creusement », ou alors « moi aussi je peux m’occuper des soins de conservation » etc. Le marché s’est libéralisé en 1993 après avoir été géré par les communes. Aujourd’hui, l’essentiel du marché a été avalé par quelques entreprises qui œuvrent sur de très vastes périmètres, voire sur toute la France.
J’ai commencé avec quelques cercueils, aujourd’hui nous faisons 10 millions d’euros de chiffre d’affaires, dans le Haut-Rhin et la Franche-Comté. Notre développement a été guidé par la volonté de survivre face à l’arrivée des fonds de pension nord-américains, nous en reparlerons, et surtout celle de proposer un accompagnement professionnel et respectueux aux familles. Nous nous occupons aussi bien des interventions lors des décès que des transports aux Instituts Médicaux-Légaux (qui ont eux aussi été centralisés), de l’accueil des familles, de la prévoyance funéraire, des soins de conservation, de l’organisation des cérémonies, de la reprise de tombes échues, de la marbrerie, des chambres funéraires, de la crémation. En fait, à chaque fois que nous avons remarqué qu’un service ne pouvait plus être accompli correctement, nous avons choisi de l’ajouter à notre offre pour ne pas laisser les familles sans solution.
Deux exemples :
Quelques chiffres pour bien comprendre : statistiquement, « par nature », on compte en moyenne 1% de décès dans la population. Depuis 30 ans, les chiffres de mortalité étaient inférieurs, étant donné l’augmentation de l’espérance de vie et à cause des classes creuses nées pendant la Première Guerre mondiale.
Savez-vous qu’il y a 21 000 centenaires en France soit 20 fois plus qu’en 1970 ? La situation va totalement changer pour les 30 prochaines années avec 800 000 décès estimés. Résultat : cela a aiguisé l’appétit des fonds de pension américains et canadiens principalement, qui achètent à prix d’or les entreprises du secteur.
Un exemple : j’ai connaissance d’une entreprise de 6 millions d’euros de chiffre d’affaires qui a reçu une offre d’achat d’un montant de 10 millions. Et ce n’est pas la seule ! Qui peut résister ? Ces fonds de pension sont principalement intéressés par la zone de chalandise et les crématoriums.
Tout à fait. En 1971, on dénombrait 1 800 crémations. Aujourd’hui 245 000. La crémation est choisie dans 40% des cas. Là aussi le sujet est vaste : chaque commune pourrait, si elle le souhaitait, construire un crématorium puisque c’est une DSP (Délégation de Service Public). On trouve parfois des crématoriums séparés par une route, dans 2 villages différents ! Les crémations vont être en très forte hausse proportionnellement à celle des décès dont je vous parlais. Comme les crématoriums sont sous DSP, les fonds de pension sont tranquilles sur la durée restante sachant que les DSP dans le domaine durent généralement 30 ans : 2 ans de construction, 28 ans d’exploitation. C’est donc tout bénéfice pour eux.
Depuis 40 ans, j’ai toujours tout réinvesti dans mon entreprise et c’est ce qui me permet de résister face à leurs offres très agressives auxquelles je ne céderai pas.
C’est simple : plus aucun service, plus d’accueil correct, une vision très business qui n’est plus du tout au service des familles. Et je crains que cela ne devienne de pire en pire. Mais que voulez-vous faire lorsque de telles sommes sont proposées ! A terme, j’ai de l’espoir pour les toutes petites entreprises, même si le métier est rude, sans dimanche et sans vacances car il faut intervenir en permanence. Celles de taille intermédiaire en revanche ne survivront pas et seront rachetées. Moi je me bats par amour de mon métier et du rôle essentiel qu’il joue dans la société.
Je vais jouer mon joker ! Plus sérieusement : chaque année sont annoncées des techniques différentes mais sans prendre en compte les impacts réglementaires, les textes de lois, les règles sanitaires à mettre en œuvre etc. Aquamation, cryogénisation, cercueils en carton, nouveaux modes de sépultures… Je ne rentrerai pas dans les détails mais ces initiatives sont loin d’être généralisables, notamment pour des questions réglementaires.
En tant que coprésident de La Fédération Française des Pompes Funèbres (FFPF), j’ai mené avec mes collègues de nombreux chantiers pour professionnaliser le métier. Il était essentiel de l’assainir : véhiculés dédiés, règles sanitaires, personnel qualifié et diplômé, déontologie financière, protection des familles etc.
Nous continuons à nous battre mais c’est de plus en plus compliqué. En outre, nous sommes confrontés comme tant d’autres secteurs à la pénurie de personnel. Je suis Président de ENAMEF, l’École Nationale des Métiers du Funéraire à Paris, établissement que nous avons créé pour proposer une formation diplômante en lien avec les réalités du métier, ce qui est loin d’être le cas dans toutes les écoles. Nous mettons l’accent sur le profil des candidats afin de ne pas accueillir des personnes qui auraient choisi cette voie pour de mauvaises, voire malsaines, raisons. Nous agissons donc sur tous les terrains. Car ne l’oublions pas, notre métier consiste avant tout à accompagner au mieux et aider des familles dans des moments très difficiles. Ce n’est pas un simple « marché »…
Ils passent par deux axes : la consolidation de nos acquis et la poursuite de notre ancrage régional. Concernant ce deuxième axe, nous sommes toujours à l’écoute d’opportunités de croissance externe dans le cadre de notre développement. Nous cherchons à nous rapprocher d’acteurs locaux qui partagent nos valeurs et qui peuvent apporter leurs savoir-faire à nos clients et collaborateurs. Chaque fois que cela est possible, nous gardons d’ailleurs le nom des entreprises que nous achetons. Nous sommes très attentifs à ce qui se passe en Alsace et en Franche-Comté.
Afin d’avoir une démarche organisée, tout en nous concentrant sur nos métiers, nous avons missionné Pierre Schott, du bureau de Strasbourg, pour nous accompagner.
Mis à jour le 23 mai 2022
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